L’éthique du
divertissement est un sujet qui a toujours suscité mon intérêt. L’éthique est
un domaine d’étude philosophique passionnant et controversé, et le
divertissement est un phénomène sociétal dont l’influence ne saurait être
sous-estimée.
La société occidentale est maladivement avide de divertissement,
de distractions.
Blaise Pascal, sans doute mon
philosophe préféré, disait déjà au XVIIe siècle que «la seule chose
qui nous console de nos misères est le divertissement, et c’est pourtant la
plus grande de nos misères».
Avant de commencer ma
réflexion à ce sujet, quelques définitions s’imposent :
Éthique : Qui
concerne la morale.
Divertissement : Action de se divertir; amusement. Ce qui divertit; distraction.
Divertissement (ma définition): Toute forme d’art ou de production destinée à la consommation (de
masse). Les films, les jeux vidéo, la musique et les séries télévisées en sont
quelques exemples.
Quel est donc le code
d’éthique véhiculé aux masses par l’industrie du divertissement quant à la violence, et pourquoi
s’en préoccuper?
L’idée
m’est venue d’écrire cet article lors de l’annonce de la sortie du film The Hunger Games. Le film a été réalisé
à partir du livre homonyme qui, publié en 2008, a été déclaré USA Today et New York Times Bestseller. Cet ouvrage est destiné aux jeunes
adultes, et est au programme de lectures obligatoires dans de nombreuses écoles
au pays.
Voici un court résumé des livres:
“The
Hunger Games,” a trilogy of novels by Suzanne Collins, […] takes place at an
unspecified time in North America’s future. Her heroine, Katniss Everdeen,
lives in one of twelve numbered districts dominated by a decadent, exploitative
central city called the Capitol. Every year, two children from each district
are drafted by lottery to compete in a televised
gladiatorial contest, the Hunger Games, which are held in a huge outdoor
arena. The winner is the last child left
alive.
Source: The New Yorker
Source: The New Yorker
Vous pouvez visionner la bande-annonce ici.
Je dois
avouer que je n’ai pas lu les livres; en revanche, j’ai lu de nombreux articles
par rapport à ceux-cis. Tous qualifient les livres de morbides et violents.
Mais là n’est
pas où je veux en venir. Cet article n’est pas une analyse des Hunger Games; l’idée derrière ces livres
n’est qu’un exemple du point que je souhaite aborder.
Le
divertissement populaire véhicule souvent une éthique douteuse-- a priori
découragée par la société et certaines lois morales-- en la faisant paraître bonne
et acceptable.
The Hunger Games ne semble être qu'un exemple de
ce principe. Une éthique de survie impliquant le meurtre d’enfants est justifiée
par la sympathie qu’inspirent la protagoniste et la «grande cause» derrière l’histoire.
En d’autres
mots, le principe de base est que «la fin justifie les moyens», une maxime que
j’ai en horreur. Il peut certainement être utile dans certains cas (plus rares que
communs), mais de manière générale, cet énoncé est erroné d’un point de vue
éthique.
L’idéal communiste qui a inspiré des révolutions en
Chine, en Russie et en Amérique du Sud a servi de justification pour de la
tyrannie et l’oppression des masses, après tout.
A-t-on
besoin d’être exposé à la violence graphique et à des scènes de tortures
merveilleusement détaillées pour vraiment comprendre quoi que ce soit?
Les
gouvernements totalitaires ont été brillamment critiqués par des livres tels que
1984 et Animal Farm, qui ont fait de la psychologie leur point focal, sans toutefois devenir morbides.
Quoi qu’on
en dise, si le divertissement propose des principes moraux tordus, c’est que c'est le désir de l’audience, en quelque sorte. Il n’y aurait pas tant de violence
si la violence nous était vraiment en horreur. On serait dégoûtés par ces images gratuites.
Je dis
gratuites, puisque une distinction doit être faite entre regarder un reportage
sur les camps de concentration nazis au temps de la Deuxième Guerre mondiale
et un film classé 18+ pour violence. Le reportage a un but éducatif et
préventif : l’étude du passé nous aide à être plus lucides et sages quant
au futur. Le film, au contraire, est de nature divertissante. En d’autres mots, la violence est offerte en tant
que divertissement.
Si la
violence est offerte en tant qu’amusement, il y a là un profond problème, ce me semble. En quoi cela est-il profitable à l’individu et à la société? Le
monde est rempli d’ouvrages littéraires et philosophiques dénonçant ce qu’il y
a à dénoncer de façon éloquente, argumentative et logique. Le savoir peut donc être
atteint autrement. L’argument de la «leçon et morale de l’histoire» est parfois
une façade.
Je crois
donc qu’il nous faille réévaluer nos choix de divertissement. Pour que ce que notre tête pense, ce que notre
bouche dit, et ce que nos yeux voient soient cohérent.
Il existe
beaucoup d’opinions sur le sujet, et la mienne est sans doute facile à critiquer. Soit. Je
crois quand même que la réflexion d’impose.
Il y a beaucoup de sagesse en ces paroles :
Au reste, […]
que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste,
tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation,
ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées.
Philippiens
4 :8, La Bible
Réflexion très intéressante Alexandra!
ReplyDeleteJ'aime beaucoup ta définition de divertissement. On peut donner un sens plus large à l'expression qui englobe du positif et du négatif, mais ta définition restreint la portée à tout ce que le terme a de péjoratif et est donc bien plus utile aux fins de ta réflexion. Très peu de gens de nos jours tirent ce qu'il y a de bon dans le divertissement, au sens où celui-ci présente une facette de réflexion et/ou de divulgation d'information - car ce n'est pas toujours le cas. À titre d'exemple, il serait tout à fait juste d'affirmer que lire ton article me fut un excellent divertissement. Le divertissement n'est pas toujours qu'éphémère; parfois il laisse en nous une graine qu'on entretient.
Bien que ce ne soit pas tout à fait l'objet de l'article, il est plus fort que moi que d'exprimer mon désaccord avec la citation de Pascal. Sa citation est sévère et dure; c'est une exagération exacerbée plus ou moins justifiée par le désir d'attirer l'attention sur le danger d'utiliser le divertissement (au sens où tu l'entends) comme solution aux misères, et que ce recours en lui-même constitue une importante misère car il nous empêche de remédier à nos problèmes et nous empêche donc d'évoluer. Or, tous les gens ne prennent pas toujours ce chemin. Certains font, parfois, face aux problèmes et ne recherchent pas le divertissement pour justement se "divertir de leurs problèmes". C'est l'absolutisme du dire de Pascal que je déplore, car bien que je sois entièrement d'accord avec l'urgence d'attirer l'attention sur cette maladie sociétale, je ne crois pas y voir une justification légitime a énoncer que le divertissement est la SEULE chose qui nous console de nos misères. J'ai fait la découverte miraculeuse que trouver des solutions à mes problèmes, qu'elles s'avèrent efficaces ou non, est aussi une excellente manière de me "consoler" de mes misères!
Cette nuance étant apportée, le divertissement, tel qu'il est principalement consommé de nos jours, joint à l'encouragement mutuel que tous se font à consommer comme consolation aux misères sont plus que déplorables et doivent, faute de pouvoir espérer de manière réaliste leur disparation, diminuer considérablement.
Petrus
Je ne comprends pas le rapport avec votre citation finale. C'est pourtant dans la bible que l'on trouve les pires descriptions et les pires pensées cruelles à l'éthique infiniment douteuse ! Vous dites que "Il n’y aurait pas tant de violence si la violence nous était vraiment en horreur". Et c'est la bible et son pendant le coran que l'on trouve les pires incitations à la violence. On est en droit d'être dégoûtés par ces images gratuites. Enfin, pourquoi citer cet extrait de ce livre détestable (au même titre que le coran, d'ailleurs, l'un ne repêchant pas l'autre !) à la fin de votre distrayante analyse ?
ReplyDeleteCher Wa,
DeleteJe vous remercie d’avoir pris le temps de lire mon article et d’y répondre! Si je publie ces textes d’opinion, c’est dans l’espoir de susciter des discussions constructives.
La question que vous posez par rapport à la Bible reflète une préoccupation que partagent plusieurs personnes.
Vous semblez cynique par rapport au Christianisme et à la Bible. Je vais donc tenter de répondre à votre question au meilleur de mes connaissances!
Dans mon article, je critique le divertissement sous forme de violence. D’ailleurs, j’apporte une nuance entre un film et un documentaire, qui sont de nature différente et apportent donc une perspective différente.
La Bible est un recueil de textes religieux, certes, mais elle est également un ouvrage littéraire et historique. On y retrouve des livres écrits sur une période de plusieurs milliers d’années, racontant l’histoire du peuple d’Israel et de son Dieu. Plus tard, dans le Nouveau Testament, Jésus apporte la révélation finale et complète du Dieu D’Israël.
En d’autres mots, les textes auxquels vous faites référence font partie de livres historiques. Ils relatent des événements tels que des batailles et des conquêtes entreprises par la nation D’Israël. Ce n’est donc pas du divertissement, mais bien des documents écrits pour transmettre l’histoire d’un peuple à la génération précédente.
Il me semble très exagéré et inexact de dire que «C'est pourtant dans la bible que l'on trouve les pires descriptions et les pires pensées cruelles à l'éthique infiniment douteuse».
En Genèse, le premier meurtre de l’histoire humaine (Abel contre Caïn) est sévèrement puni et condamné par Dieu. Les nations entourant Israël sont conquises et punies à cause de leur barbarie et leur immoralité (à titre d’exemple, les sacrifices d’enfants au dieu Molech sont souvent mentionnés par les prophètes comme étant en grande horreur à Dieu). De plus, une lecture globale et complète de l’Ancien Testament révèle que Yahweh est un Dieu juste et aimant :
«Ce que je désire, est-ce que le méchant meure? Dit le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive?» - Ézéchiel 18 :23
Le Nouveau Testament vient révéler aux hommes la grâce et l’amour de Dieu dans toute sa grandeur avec Jésus. L’humanité est incapable de satisfaire aux exigences de justice de Dieu, mais c’est Jésus, le Fils de Dieu, qui apporte la solution en mourant pour les péchés de l’humanité. Ainsi, la justice de Dieu est satisfaite, et la grâce est accordée.
Considérons quelques-unes des paroles de Jésus :
Matthieu 5 :43-48 «Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent,] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains n’agissent-ils pas de même? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire? Les païens n’agissent-ils pas de même? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.»
Jean 15 : 9-17 «Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour. […] C’est ici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande […] Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres».
Et finalement,
DeleteJean 13 :35 «À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres».
Les chrétiens devraient donc être caractérisés par l’amour envers les autres, c’est là le christianisme véritable, selon la Bible.
Maintenant, la citation. C’est à la lumière des enseignements de la Bible par rapport à l’amour des autres que je n’approuve pas la «violence divertissante». Le verset que j’ai cité parle de l’éthique que les chrétiens devraient avoir : nous devons aspirer à ce qui est honorable, juste, ce qui mérite l’approbation, vertueux et digne de louange. En revanche, nous ne devons pas nous plaire et trouver notre joie dans la cruauté et l’immoralité. Selon moi, cela justifie l’effort de ne pas s’exposer à de la violence gratuite, divertissante.
J’espère que vous comprenez davantage mon point de vue. Je vous remercie encore de votre réaction, ça m’a stimulée et m’a amené à repenser au sujet. Je suis consciente que vous ne serez peut-être pas en accord avec les points que j’ai élaborés. J’espère néanmoins que mes explications vous donné une perspective plus juste du contexte de ma citation dans mon article!